« C’est mon grand-père qui m’a appris à nager à Socoa, dans la baie de Saint-Jean-de-Luz, se rappelle Magdalena Sallaberry. Je n’étais pas bien grande. » Depuis, elle n’a cessé de nager. Pour son plaisir d’abord. Pour la sécurité des autres ensuite. En 2006, elle s’inscrit un peu par hasard au centre de formation et d’intervention (CFI) Côte basque – Landes, l’un des trente-trois CFI déployés par la SNSM sur l’ensemble du territoire, jusqu’à Nancy ou Montbéliard. Venue pour y préparer le permis côtier, Magdalena attrape le « virus SNSM ». La voilà bientôt nageuse sauveteuse, l’une des pionnières dans ce milieu alors très masculin, puis formatrice aux « sorties en mer ». La formation s’intitule désormais « surveillance et sauvetage aquatique sur le littoral » (voir plus loin), et constitue un temps fort de la formation des nageurs sauveteurs (NS).
En 2015, elle devient directrice adjointe et, cinq ans plus tard, elle est nommée directrice. « Ici, poursuit Magdalena, 33 ans, depuis notre base sur la rive gauche de l’estuaire de l’Adour, qui abrite le port de commerce de Bayonne, nous formons quelque dix-huit nageurs sauveteurs. Dont la part féminine ne cesse de grandir : 39 % cette année ! » Mais Magdalena tient à raison garder : « Nous sommes un petit CFI en matière d’impact local. Si les gens d’ici connaissent bien la SNSM pour ses stations de sauveteurs embarqués, la notoriété de notre CFI reste limitée. » Pourtant, il compte près de soixante bénévoles, dont une vingtaine de formateurs et 20 % de femmes, qui donnent généreusement de leur temps à l’organisation des stages de mer destinés principalement aux stagiaires de CFI métropolitains, pour juger l’aptitude des nageurs.
Pour se former à la réalité, ils ont besoin des plages du sud ouest et de se confronter aux pièges qu’elles tendent aux baigneurs : lames de bord, trains de vagues, rouleaux puissants, courants de baïnes… Ces stages s’échelonnent d’octobre à décembre, puis de mars à mai. « Rien dans le creux de l’hiver, s’amuse Magdalena. Ça caille trop ! »
Trouver vite de nouveaux locaux
Petit – toutes proportions gardées –, le CFI, situé à Anglet et à la limite avec Bayonne, reste pugnace et lutte contre bien des contraintes. « Il nous faut trouver vite de nouveaux locaux, signale sa directrice. Propriété du port de commerce de Bayonne, les nôtres, qui abritent aussi les sauveteurs embarqués, sont désormais classés insalubres. La mairie nous a proposé des salles de réunion, mais nous devons encore trouver où ranger notre matériel. Avec le délégué départemental, nous cherchons une autre solution. » Autre difficulté : les traditions locales de la surveillance des plages.
Elles ne laissent guère de place aux postes SNSM. Depuis les premiers bains de mer, attestés dès 1784, les plages, d’Hendaye à Biscarrosse, disposent de maîtres-nageurs attitrés. Au Pays basque, chaque municipalité a son association de nageurs sauveteurs.
Elles ont souvent des noms surannés, qui fleurent bon le XIXe siècle. Ainsi, à Anglet, ce sont les Guides de bain angloys. Dans le département des Landes, les municipalités côtières ont choisi de fédérer tous leurs postes de surveillance des plages. « Dans l’un comme dans l’autre de ces départements, explique Magdalena, les nageurs sauveteurs suivent souvent les formations de la SNSM, qui en supporte donc largement le coût 1, mais œuvrent sous d’autres couleurs. C’est un peu frustrant de ne pouvoir les déployer dans nos postes, sous nos couleurs. Mais c’est ainsi. » Paysagiste de formation, elle a pour projet de changer vie : elle prépare actuellement le concours de la police municipale. Une femme d’ordre.
Article rédigé par Patrick Moreau, diffusé dans le magazine Sauvetage n°157 (3e trimestre 2021)
1 – La formation d’un NS revient à 6 000 €, dont 5 000 supportés par la SNSM et 1 000 par le futur NS, qui voit dans cette formation un atout pour se structurer, un job d’été et une ligne précieuse sur un CV.
Ses chiffres clés
- 14/02/1988 : naissance de Magdalena Sallaberry à Saint-Jean-de-Luz.
- Douze ans : nombre d’années durant lesquelles elle a effectué la surveillance des plages.
- 2005 : elle passe le permis bateau, ainsi que le BNSSA, puis intègre la SNSM l’année suivante.
La place des femmes à la SNSM
D’octobre 2020 à janvier 2021, la SNSM a participé à une enquête menée par l’International Maritime Rescue Federation, sur la place des femmes dans les organisations de sauvetage. Près de mille cinq cents réponses ont été récoltées, dont cent cinquante des Sauveteurs en Mer (cent vingts sauveteuses et trente en poste à terre).
Examinons les chiffres SNSM :
- Pour 22 % des répondantes, leur plus gros challenge est de se faire accepter et respecter en tant que femme auprès des sauveteurs et des usagers, dans un milieu masculin, et de se sentir à la fois capable et légitime face à des situations parfois complexes.
- Trois points positifs ressortent de l’expérience SNSM : 29% des sondées prônent l’esprit d’équipe et les relations humaines ; 15% l’apprentissage de nouvelles choses, le dépassement de soi et la responsabilisation ; et 13% l’aide aux personnes en difficulté.
- En matière de discrimination, 44% n’en ont pas ressenti, 37% ne se sont pas prononcées et 19% en ont déjà été victimes (nécessité de prouver sa crédibilité et ses compétences dans un univers masculin).
- Moins de 8% des interrogées ont ressenti une résistance de la part de leurs proches à leur annonce de devenir sauveteuse et les ont majoritairement ignorées.
- Les sauveteuses SNSM, à 27%, encouragent les femmes à se lancer dans l’aventure : « Foncez ! Il ne faut pas se soucier de l’avis des autres mais croire en ses capacités. L’important est la motivation. Ce n’est pas réservé aux hommes. »